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« Appelez Bianchon ! Lui seul me sauvera ! »

1 avril 2013

L’acte de décès rédigé ce dimanche 18 août 1850 indique vingt-trois heures trente.
Un souffle de siècle abandonna la vie.
Il était rentré de Russie très malade, fatigué. Il abusait du café, il avait du chagrin. Respirer était devenu infernal, comme une asphyxie lente.
Ce jour-là, tôt le matin, dans l’odeur de cadavre qui régnait dans la maison, le prêtre procéda à l’extrême onction. Le mourant se décomposait sur place, tout enflé — les ponctions étaient devenues impossibles —, ruisselant d’une sueur nauséabonde.
Le docteur Nacquart le visita peu après dans la matinée. L’écrivain lui aurait dit : « Appelez Bianchon ! Lui seul me sauvera ! »
Il s’endormit en début d’après-midi, après le départ du médecin. Madame Hugo dans l’après-midi passa le voir et fit prévenir son époux de la fin imminente de l’auteur de La Comédie Humaine, qui s’était réveillé, râlant et aveugle. Victor Hugo arriva vers vingt-et-une heures. Visite relatée dans Choses vues (G. Charpentier et Cie Editeurs, 1888, Paris).
Octave Mirbeau, dans La 628-E8 (Fasquelle, 1907, Paris), avec un style toujours aussi excellent et percutant, affirme que le peintre Jean Gigoux, qui lui aurait fait quelques confidences, était présent à ces instants et qu’il était en compagnie très intime de madame Hanska dans une pièce voisine. Ces pages provoquant le scandale, Mirbeau les fit enlever après impression de son livre, mais avant parution, in extremis, à la demande de la fille de madame Hanska, dont il ignorait l’existence.
Balzac fut enterré le mercredi, au Père Lachaise (division 48) ; le cortège traversa Paris sous la pluie, Hugo et Dumas en tête, avec Sainte Beuve, portant les cordons du poêle. Au cimetière, par un mouvement soudain du corbillard qui était en pente, Hugo, sans l’intervention de quelques personnes pour l’extirper vigoureusement, faillit être écrasé entre une roue et une tombe. Il dit l’oraison funèbre :

(…) Tous ses livres ne forment qu’un livre, livre vivant, lumineux, profond, où l’on voit aller et venir et marcher et se mouvoir, avec je ne sais quoi d’effaré et de terrible mêlé au réel, toute notre civilisation contemporaine ; livre merveilleux que le poëte a intitulé comédie et qu’il aurait pu intituler histoire, qui prend toutes les formes et tous les styles, qui dépasse Tacite et qui va jusqu’à Suétone, qui traverse Beaumarchais et qui va jusqu’à Rabelais ; livre qui est l’observation et qui est l’imagination; qui prodigue le vrai, l’intime, le bourgeois, le trivial, le matériel, et qui par moments, à travers toutes les réalités brusquement et largement déchirées, laisse tout à coup entrevoir le plus sombre et le plus tragique idéal. (…)

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NB / Certains ouvrages d’Honoré de Balzac sont à la vente au Catalogue.

From → LITTERATURE

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