SONS SOÛLS INSOLITES
Le souffle, le son, le si, salive au bec. Inspire, expire le la, salive au bec. Une nuit au désert, à sec, avec au loin l’écho du mec assis le cul dans le sable encore tiède du jour pourtant déjà loin derrière, sous les toiles noires tendues percées de lumières blanches. Le soleil attendra, le seul œil verra ce que la bouche fait à l’oreille avec l’anche excitée par le vent du dedans.
Des sons aussi soûls sont insolites ; ils titubent dans l’espace et glissent, passent du loin au proche puis d’ici du si au sol, effarés d’avoir dormi si longtemps dans le silence du ventre. Ils iront jusqu’aux portes de l’infini répandre la note vitale que l’homme invente du bout des doigts, modulant et démodulant, tricotant avec les clés toutes ces mailles rondes comme des globules pleins d’envie, de désir, d’amour, expulsés du tube de laiton en forme de volute improbable.
G R E G
L’attention adéquate permet d’y entendre le cœur, non pas battre, mais chanter ces accents d’or émis, propulsés vers le ciel ou lancés au sol comme des perles de verres dont la chute laisse des empreintes dans le sable, telles des larmes de joie, ou de tristesse, c’est selon le jour, la nuit, l’état du cœur ou de la tête.
Des sons aussi fous sont solides et peuvent briser les murs froids de la solitude. Ils déambulent dans les corridors de l’ennui pour les habiller de couleurs vives et humides, ces rares pigments nés de sons articulés à la manière de la langue. Le saxophone permet la voix et les mots, et distille goutte à goutte l’amour dans le pavillon de l’oreille. J’entends des clameurs et de l’espoir, quelques turpitudes bien arrangées, de la violence moite, des caresses si douces qu’on croirait la colère endormie dans un noir terrier.
Des sons aussi doux cachent parfois des ondes aiguës ou de grasses nappes en grosses grappes faites par gourmandise d’air, car le jeu de la musique invite les lignes à devenir courbes selon la volonté secrète de l’univers.
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Johann Lefebvre 